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Le mariage forcé/ La jalousie du barbouillé

(22) Le mariage forcé - La jalousie du barbouillé

Année : 1999

Auteur : Molière

Mise en Scène : Gabriel Chang, Caroline Destermes

Avec

Julien Bories, Maud Brossillon, Tiphaine Gentilleau, Laurence Leclerq, Véronique Lecoq, Clarisse Lefebvre, Laurence Mathon, Sophie Mollard.


Extraits


La jalousie du barbouillé


(Scène 1)


SGANARELLE: C'est que je veux savoir de vous si je ferai bien de me marier.

GÉRONIMO: Qui, vous?

SGANARELLE: Oui. Moi-même en propre personne. Quel est votre avis là-dessus?

GÉRONIMO: Je vous prie auparavant de me dire une chose.

SGANARELLE: Et quoi?

GÉRONIMO: Quel âge pouvez-vous bien avoir maintenant?

SGANARELLE: Moi?

GÉRONIMO: Oui.

SGANARELLE: Ma foi, je ne sais; mais je me porte bien.


(Scène 4)


PANCRACE: Expliquez donc votre pensée, car je ne puis pas la deviner.

SGANARELLE: Je vous la veux expliquer aussi; mais il faut m'écouter.

SGANARELLE, en même temps que le docteur: L'affaire que j'ai à vous dire, c'est que j'ai envie de me marier avec une fille qui est jeune et belle. Je l'aime fort, et l'ai demandée à son père; mais, comme j'appréhende.

PANCRACE, en même temps que Sganarelle: La parole a été donnée à l'homme pour expliquer sa pensée; et tout ainsi que les pensées sont les portraits des choses, de même nos paroles sont-elles les portraits de nos pensées. (Sganarelle ferme la bouche du Docteur avec sa main, à plusieurs reprises; et le Docteur continue de parler, d'abord que Sganarelle ôte sa main.) Mais ces portraits diffèrent des autres portraits en ce que les autres portraits sont distingués partout de leurs originaux, et que la parole enferme en soi son original, puisqu'elle n'est autre chose que la pensée expliquée par un signe extérieur: d'où vient que ceux qui pensent bien sont aussi ceux qui parlent le mieux. Expliquez-moi donc votre pensée par la parole, qui est le plus intelligible de tous les signes.

Le mariage forcé


(Scène 1)


LE BARBOUILLÉ: Il faut avouer que je suis le plus malheureux de tous les hommes. J'ai une femme qui me fait enrager: au lieu de me donner du soulagement et de faire les choses à mon souhait, elle me fait donner au diable vingt fois le jour; au lieu de se tenir à la maison, elle aime la promenade, la bonne chère, et fréquente je ne sais quelle sorte de gens. Ah! pauvre barbouillé, que tu es misérable! Il faut pourtant la punir. Si je la tuais. L'invention ne vaut rien, car tu serais pendu. Si tu la faisais mettre en prison. La carogne en sortirait avec son passe-partout. Que diable faire donc? Mais voilà Monsieur le Docteur qui passe par ici: il faut que je lui demande un bon conseil sur ce que je dois faire.


(Scène 10)


LE BARBOUILLÉ, à la fenêtre, ANGÉLIQUE.


LE BARBOUILLÉ: Cathau, Cathau! Hé bien! Qu'a-t-elle fait, Cathau? Et d'où venez-vous, madame la carogne, à l'heure qu'il est, et par le temps qu'il fait?

ANGÉLIQUE: D'où je viens? ouvre-moi seulement, et je te le dirai après.

LE BARBOUILLÉ: Oui? Ah! ma foi, tu peux aller coucher d'où tu viens, ou, si tu l'aimes mieux, dans la rue: je n'ouvre point à une coureuse comme toi. Comment, diable! être toute seule à l'heure qu'il est! Je ne sais si c'est imagination, mais mon front m'en paraît plus rude de moitié.

ANGÉLIQUE: Hé bien! pour être toute seule, qu'en veux-tu dire? Tu me querelles quand je suis en compagnie: comment faut-il donc faire?

LE BARBOUILLÉ: Il faut être retirée à la maison, donner ordre au souper, avoir soin du ménage, des enfants; mais sans tant de discours inutiles, adieu, bonsoir, va-t'en au diable et me laisse en repos.

[...]


LE BARBOUILLÉ: Hé bien! ne savais-je pas bien qu'elle n'était pas si sotte? Elle est morte, et si elle court comme, le cheval de Pacolet. Ma foi, elle m'avait fait peur tout de bon. Elle a bien fait de gagner au pied; car si je l'eusse trouvée en vie, après m'avoir fait cette frayeur-là, je lui aurais apostrophé cinq ou six clystères de coups de pied dans le cul, pour lui apprendre à faire la bête. Je m'en vais me coucher cependant. Oh! oh! Je pense que le vent a fermé la porte. Hé! Cathau, Cathau, ouvre-moi.

ANGÉLIQUE: Cathau, Cathau! Hé bien! qu'a-t-elle fait, Cathau? Et d'où venez-vous, Monsieur l'ivrogne? Ah! vraiment, va, mes parents, qui vont venir dans un moment, sauront tes vérités. Sac à vin infâme, tu ne bouges du cabaret, et tu laisses une pauvre femme avec des petits enfants, sans savoir s'ils ont besoin de quelque chose, à croquer le marmot tout le long du jour.



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