Le théâtre nous a habitués aux dialogues et aux personnages.
Le plus souvent, un personnage est incarné par un seul acteur. Il arrive que par commodité plusieurs rôles soient interprétés par un même comédien. Il est beaucoup plus rare en revanche que plusieurs acteurs jouent le même personnage.
C’est pourtant l’enjeu du Portrait de l’enfant aux volailles. Tous les comédiens, ou plutôt les choreutes figurant dans la distribution de la pièce sont Walter. Du début à la fin, et en même temps sur scène. Bien entendu, cette transformation du processus de représentation produit des effets importants.
Tout d’abord elle déplace le regard. Le spectateur n’est plus le témoin d’un dialogue, d’une situation, d’un mouvement ou d’une évolution dans l’espace qu’il saisirait de l’extérieur, mais il est commis à scruter l’intériorité du personnage.
Ce qu’il découvre ne se donne plus comme le produit d’un effet de réel, quel qu’en soit le degré, mais comme la projection d’un imaginaire, d’une conscience, d’un affect, ou d’un onirisme.
Il en résulte nécessairement une modification de nos repères spatio-temporels : l’espace dramatique dans lequel les choreutes évoluent cesse d’être physique et devient psychique ; partant il n’est plus borné et autorise l’ubiquité. De même le temps de l’action n’est plus le temps linéaire de nos horloges mais une temporalité subjective, volontiers polychronique, anachronique, voire achronique, où l’on peut circuler sans entrave.
Enfin la représentation que nous avons du personnage vole en autant d’éclats qu’il est de choreutes sur le plateau de scène : ces voix et ces corps qui évoluent devant nous sont les instances d’une psyché qui se révèle comme elle le fait nuitamment dans nos rêves, dont nous savons être à la fois les auteurs, les spectateurs, l’ensemble des personnages qui s’y produisent, aussi bien que les décors ou les atmosphères qui y règnent.
Aussi le Portrait de l’enfant aux volailles défie-t-il toute vraisemblance et met-il en échec toute tentative d’appréhension qui se fierait aux lois de la logique : il n’aspire pas à être compris par les spectateurs, mais à les comprendre dans son élaboration, les immerger dans le réseau de ses résonances, les guider dans l’enchaînement de ses analogies, les associer au cheminement d’une pensée accidentée, chaotique, confuse, incohérente, c’est-à-dire ce qu’est fondamentalement la pensée d’un être humain, quand on cesse de la restreindre à son illusoire rationalité et accepte de l’explorer dans ses régions les plus mystérieuses.
C’est à cette exploration que le Portrait convie les spectateurs.
Distribution: Bertrand Pascual, Caroline Destermes, Marie-Catherine Mangou, Jean-Yves Mangou, Pascal Pellerin, Juliette Gohet, Michel Rousseau, Véronique O'Brien, France-Anne Chang
Et les musiciens/bruiteurs seront là : Jean-Luc Houbron et Pierre Loncle
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