(1) Et Caetera ou tout ce qui reste et qu'on ne vous dira pas
théâtre
Année : 1999
Auteur : Hanlet Fulham
Type : création de
Etat : termine
Mise en Scène : Bertrand Pascual
Avec
Véronique Barbeau, Christophe Cauvin, Gabriel Chang, Caroline Destermes, Mathieu Haudry, Thomas Herson, Anne-Laure Mangou, Florent Meyer, Aurélie Vialle.
Imaginez que vous ne soyez pas au théâtre, que ce ne soit pas vraiment une pièce et qu'il vous faille choisir un rôle qui ne serait pas vraiment un rôle, qui serait votre histoire. Il se peut alors qu'éprise d'effacement vous vous reconnaissiez dans la mamie maniaque qui saute sur tout ce qui tache et frotte avec conscience ; ou qu'effacé vous-même, vous vous sentiez de l'amitié pour son papi-toyable de mari, taillable et corvéable à merci, qui met de l'ordre dans son coin ; ou bien encore qu'amoindrie par l'anorexie, comme leur fille, vous ne trouviez vous aussi bien gras le reflet de vos 40 kilogrammes dans le miroir ; à moins qu'à l'instar de son mari vous n'osiez à peine l'effleurer par crainte qu'elle ne se détache...
Si cependant vous vous égariez, aussi hagarde que leur fillette, pourriez-vous semer vos déchets pour retrouver votre chemin ? Les mélangeant à votre sueur, à votre bile, à vos humeurs, sauriez-vous maculer la toile et mettre en forme la matière comme le peintre-sculpteur ? Auriez-vous les traits du modèle ? ou de celui qui noircit la feuille pour retracer, page après page, le petit roman familial ? Il se peut aussi que les romans ne vous ennuient et qu'aux effusions des familles vous ne préfériez les rétentions glorieuses de la science ; que vous ne consentiez finalement à effacer qu'assisté par des technologies de pointe (avortement, ovulation in vitro, manipulations génétiques...) ; qu'ayant la fibre politique, idéologique, engagée, vous ne vous joigniez à ceux qui censurent, à ceux qui voilent, qui brûlent, qui purgent, ceux qui épurent éthnique et trouvent les solutions finales aux problèmes de l'humanité... Mais quoi ? Vous hésitez à vous reconnaître ? Pas un qui vous corresponde ?... Etes-vous bien sûr ?... Tenez, pour vous mettre à l'aise, je puis vous dire que moi, je l'essuie tous à la fois ! Et caetera, ce reste discret des origines latines de notre langue, cette petite tache lexicale aux contours incertains qu'on emploie à tous propos dans les conversations pour signifier "tout ce qui reste" et qu'on ne veut pas vous dire (secret ? souillure ? péché inavouable ?... allez savoir !...), c'est moi !
Mais vous, alors ?...
Avez-vous fait votre choix ?
Effaceur, ou tacheur ?...
Souilleur, souillon ou souillé ?...
Brosse ou tache ?...
Seulement spectateur, ou aussi personnage ?"
Biographie de l'auteur
Hanlet Fulham naquit à la fin des années 1950 dans la banlieue de Londres. D'un père comédien il reçut la passion du théâtre ; d'une mère française, l'amour de sa langue : leurs maîtres étaient Shakespeare, qu'elle prénommait Guillaume, Racine et Molière. Il sortit bientôt des écoles françaises, où sa mère l'avait envoyé, pour entrer en littérature. "La France est la langue dans laquelle je rêve", avait-il accoutumé de répondre à qui lui demandait pourquoi il se piquait d'écrire en français. Cette originalité lui valut tous ses revers : illisibles dans leur langue, les pièces de Fulham demeuraient nécessairement lettres mortes. Il voulut en transcrire une en bon anglais ; l'intraduisibilité du texte le contraignit à y renoncer. Il tenta d'abjurer le français ; finalement fut relaps. Force lui était d'assumer son étrangeté. Aussi devint-il maître à l'Université où il donna, en langue anglaise, des cours sur le théâtre français. S'essaya-t-il à faire l'acteur. Anima-t-il des ateliers d'art dramatique. Il vécut son exil de France dans la patrie qui l'avait vu grandir. Une fois ou deux, il adressa un texte à un metteur en scène de l'héxagone, mais l'envoi resta sans réponse. C'est que pour un Français aussi, le français de Fulham devait paraître bien étrange, voire parfois bien étranger. Le temps passa, qui n'est d'aucun dialecte. Les pièces finissant dans l'encombrement des tiroirs, il ne lui fût sans doute resté qu'à rêver d'une gloire apatride et posthume, quand le hasard fit irruption dans son histoire. Par sa mère, Fulham se trouvait avoir une lointaine cousine, croisée jadis dans quelque réunion familiale, laquelle était justement comédienne dans une troupe française de théâtre amateur. De passage à Londres au cours de l'été dernier, celle-ci lui fit signe ; ils se rencontrèrent, causèrent évidemment théâtre, et plus particulièrement du sien. A son retour en France, la jeune fille avait quelques textes dans ses malles. Elle les montra à son directeur de troupe ; il en tomba amoureux et proposa à Fulham de monter l'un d'entre eux : Et caetera ou tout ce qui reste et qu'on ne vous dira pas.
Justement : tout ce qui reste et qu'on ne vous a pas encore dit de cette biographie interrompue, nous comptons maintenant sur vous pour l'écrire. En français, s'il vous plaît...
Comments